UNE VIE

Extrait d'un article publié sur le blog "Tradition" le 28/08/2013 - Le lien ici : Mes respects Mon Commandant !

 IN MEMORIAM
Hélie Denoix de Saint Marc
11 février 1922 - 26 août 2013


Je tiens ici à remercier les camarades et amis du groupe "Les amis d'Hélie de Saint Marc" qui m'ont fait l'honneur de m'accueillir pour partager la mémoire et les valeurs transmises par celui que nous appelons "le Commandant".



Hélie Denoix de Saint Marc, a disparu  au delà de notre horizon, ce lundi 26 août 2013, à l'âge de 91 ans, emporté enfin par cette Mort tant de fois frôlée au cours d'une destin exemplaire, vécu au service de "l'Honneur de vivre", et je m'associe à la peine vécue par sa famille et ses proches happés par ce vide immense.

Sur mon bureau, gardés fidèlement par le ronronnement de mon compagnon félin, les livres du "Commandant" sont toujours là, éparpillés comme les sources d'eau vive qui font naître les torrents des montagnes. La veille encore, ses pensées m'éclairaient et m'aidaient à évoquer le courage des  Hmongs du Laos, venus déposer leur mémoire et leur courage au coeur de la forêt Guyanaise.
Le lendemain, la terrible nouvelle de sa disparition, pourtant prévisible, me laissa pantois, comme orphelin, et j'allais vivre cette journée comme un homme étranger à lui même, avec dans le coeur une pesanteur à la fois triste et belle... Depuis, dès que possible, je partage sur la toile virtuelle, où au hasard des rencontres amicales mon émotion et le souvenir de cet éveilleur de conscience, dont je serre le livre "Toute une vie" contre ma poitrine...

Je veux bien sûr unir ma voix au chœur des fidèles, des insoumis qui gardent la foi et l'espérance au milieu de ce monde déshumanisé... Mais les mots qui jaillissent de ma pensée me paraissent tellement dérisoires et petits que je regrette de ne pouvoir confier à un oiseau de la forêt le soin de chanter à ma place mon émotion... 

Il me faut pourtant témoigner, et ce n'est pas qu'une envie de partager, mais un devoir de transmettre; car Hélie de Saint Marc a semé dans nos coeurs, le plus beau commandement qu'un chef puisse donner à ses hommes : la force de l'exemple.
Car "le Commandant" était et restera un homme exemplaire et humble, une fusion d’héroïsme guerrier et d'humanisme élevé et ses grandes valeurs lui permirent tout au long de sa vie tourmenté par l'Histoire et la guerre, de servir la Liberté et d'accepter son dur destin avec dignité sans le subir au fond de son coeur courageux. 

Aujourd'hui, "il disparaît à l'horizon" laissant derrière lui mais surtout devant nous des traces profondes, ouvrant la voie de l'Honneur et de l'Amour réunis. Il est de notre responsabilité de faire connaître ses actes et ses pensées pour offrir aux jeunes un autre chemin que celui de l'hypocrisie et du mensonge : celui de l'espérance et du combat !
A nous maintenant de cultiver et nourrir le monde à venir de son exemple et de sa sagesse.

Mon Commandant je m'incline respectueusement et vous remercie de l'héritage laissé. 
Si seulement je pouvais en être digne...


Erwan Castel, Cayenne le 28 août 2013


Une vie courageuse passée au service de l'Honneur et de la Fidélité

Voici quelques pierres de la vie du Commandant Hélie de Saint Marc, à travers des extraits de ses ouvrages lumineux...


"Si je rencontrais demain, au coin d’une rue, l’adolescent que j’ai été, 
je voudrais qu’il n’aie pas à rougir de ce que je suis devenu. 
Je portais en moi une fièvre d’absolu. 
Avec impatience, je rêvais d’un grand départ vers un avenir lointain.
Cependant, je sais à présent combien il est difficile 
de vivre une existence « simplement honorable », au sens de Montaigne, 
sans trahir les rêves de ses vingt ans. 

(Hélie de Saint Marc, "Toute une vie")



1922-1940, Dans le secret des Combes et les Rêves.

L'enfance, dans le Périgord
"Du plus loin qu'il m'en souvienne, aucun Saint Marc, avant ma génération, n'a vécu en dehors du Périgord."

"Mon caractère était solitaire et silencieux. Je ne me trouvais pas séduisant. Élève en queue de peloton, je compensais ces handicaps par le goût de l’effort physique. Je m’adonnais à la bicyclette des heures durant, ou à la natation dans des ruisseaux glacés, peu profonds et grouillants de vie. J’ai éprouvé une grande joie physique et psychique à communier avec la nature et à repousser mes propres limites. C’était ma part de liberté à une époque où j’en avais peu."  ("Toute une vie")

"J'aimais la vie d'un amour pur, comme seuls les enfants savent en éprouver, entier, aveugle, inconscient, déroutant. Je dévalais les combes du Périgord comme si mon avenir en dépendait (...) cette existence pleine de saveurs provoquait en moi une joie presque animale"

Je dois à mon enfance la conscience de la Nature. Il me suffit de fermer les yeux pour revoir ces images transparentes de pur bonheur qui n'ont pas été effacées par mes années de braise" ("Les sentinelles du soir")



1940-1943, Dans la Clandestinité et la Résistance.

La guerre, dans l'Ombre
"Ma résistance a grandi en chemin. Au départ, c’était un jeu, un défi, (...) C’est en résistant que je suis devenu résistant. En discutant avec mon chef de réseau, le colonel Arnould, j’ai pris conscience que mon rejet de l’occupant participait à un mouvement plus vaste, que c’était une attitude de vie, une éthique qui marquerait toute ma vie."

"A vingt ans j'étais déjà un homme de rupture. Lorsque je fais un choix, je n'ai pas pour habitude de m'arrêter en chemin" 

"La Résistance était vraiment le parti de l’ombre. Je voudrais insister sur l’humilité des résistants, aujourd’hui oubliée au profit des morceaux de bravoure ou des jeux d’appareil. Un acte aussi banal que celui d’accueillir une boîte aux lettres clandestine n’avait rien de glorieux en soi. Un réseau demandait peu de choses à ses correspondants : cacher trois levées par mois au fond d’un tiroir, prêter de temps en temps un bout de garage… Mais une fois découvert, ce presque rien prenait une autre dimension, qui était celle de l’héroïsme. Les anonymes pouvaient être arrêtés, torturés et déportés." ("Toute une vie")



1943-1945, Dans la Nuit et le Brouillard.

La déportation, dans l'Enfer
"Il arrive un palier dans la souffrance où l'Homme ne s'appartient plus.(...) Les déportés que j'ai découvert avaient un regard unique. Il n'y avait plus d'étincelle ni d'attention. c'était un regard tourné vers la mort, un regard absent. J'étais effrayé."

"Un homme nu, battu, humilié, reste un homme s’il garde sa propre dignité. Vivre, ce n’est pas exister à n’importe quel prix. Personne ne peut voler l’âme d’autrui si la victime n’y consent pas. La déportation m’a appris ce que pouvait être le sens d’une vie humaine : combattre pour sauvegarder ce filet d’esprit que nous recevons en naissant et que nous rendons en mourant." ("Toute une vie")

"Les Américains ont trouvé dans nos baraques d'agonie des squelettes sans eau et sans mémoire. Au réveil nous avons du prendre sur nous le fardeau du souvenir" ("Les sentinelles du soir")

"Il ne restait plus en nous que le réduit intérieur, cette peau de chagrin révélée par l'épreuve.(...) En revenant parmi les vivants, j'ai du vivre avec le silence. C'est la seule réponse que j'avais trouvé, le seul linceul qui me parut digne de notre maison des morts." ("Toute une vie")



1945-1961, Dans l'Armée et la Légion Étrangère.

L'armée, dans la Légion
"Ma passion pour la Légion est sans doute liée à la méfiance pour la comédie humaine que j'ai acquise dans les camps de concentration"

"Les légionnaires... On leur dit "va !" et ils vont. ils vont à leur destin obscur et funèbre (...) ils croyaient à un idéal à leur mesure. Ils voulaient tout simplement aller ensemble jusqu'au bout de leur destin. En entrant dans la Légion, j'ai voulu être digne de leur silence. Ils me faisaient penser à ces minerais dont seule la cassure trahit la nature intérieure."  ("Toute une vie")

"Pour commander de tels hommes, qui semblaient jouer et mourir de la même manière, il fallait les comprendre et - j'hésite à utiliser ce mot - les aimer. Je ne le disais jamais et ne le montrais encore moins (...) Je voulais leur donner un respect à la hauteur de ce qu'ils avaient perdu."

"Je partageais avec eux la vision de trop de morts. (...) ils recherchaient le combat, non pour tuer mais pour ce qu'il implique de dépouillement, seul manteau capable de recouvrir leurs blessures."

"Ces êtres étranges portaient à la fois le chaos et la pureté, une grande brutalité et un mysticisme à fleur de peau. (...) Laissés sur le tapis de l'Histoire, ils se vivaient comme des Réprouvés. leur métier les conduisaient à avoir des rapports avec les choses les plus simples : le courage, la peur, la sueur , le sang, la Mort. Ils étaient fait de passions extrêmes" ("L'Aventure et l'Espérance")



1948-1954, Dans la Boue des Rizières.

L'aventure, dans le Soleil d'Asie
"Les paysages nous attirent dans la mesure où ils sont le miroir de notre perception intérieure. Je me retrouvais au Vietnam dans un élément à la hauteur de mes émotions. Cette nature extrême empêche l’homme de se croire le maître des choses. (...) Vivre dans ce décor oblige à composer avec l’ordre du monde. La nature prévient les hommes de ce pays des illusions qui sont les nôtres. Ils sont provisoires et ils le savent, quand nous nous croyons puissants et éternels."

"L'eau et la terre étaient des frontières incertaines. La boue devint rapidement un élément familier. Elle fourmillait de graines. C'était une terre de premier matin du monde, épaisse et collante"

"Après avoir connu l'humiliation de chaque jour en déportation, je m'étais fondu avec bonheur dans la politesse du Vietnam, qui n'est pas un attendrissement, mais une manière de préserver l'humanité en soi"

"Cette vie me rentrait dans la peau comme un alcool fort"

"Je découvrais un monde perdu, d'une beauté à couper le souffle, dont je régulais l'existence. (...) Il existe dans une vie d'Homme des jours comme ceux là, où les forces qui l'habitent concordent et se rejoignent. Il s'agit d'une sorte de pic de l'existence, un bonheur unique dont on sent immédiatement qu'il faut en extraire le suc car il ne reviendra pas." ("Toute une vie")



1954, la "Blessure Jaune"

L'abandon, dans la Honte
"Le Vietnam ne croit pas à la grandeur de la pierre. Ils se nourrit des disciplines de l’esprit : la calligraphie, la méditation, l’acupuncture, la peinture. J’ai rencontré des érudits presque transparents à force d’études. Les plus beaux monuments qui se visitent au Vietnam, ce sont les hommes."

"Les mains qui s’accrochaient aux ridelles recevaient des coups de crosse jusqu’à tomber dans la poussière. Certains criaient, suppliaient. D’autres nous regardaient simplement, et leur incompréhension rendait notre trahison plus effroyable encore. 

"Lorsqu’il fallut quitter le Vietnam, nous étions cette armée de sentinelles que le ciel découpe au lointain : chacun veillait sur ses souvenirs. Que faire de la guerre lorsqu’elle est finie ? Nous sommes devenus des orphelins. (...) Mais l’arrachement ne doit pas faire oublier ce que l’Indochine nous a donné. A nous qui devions donner la mort, cette guerre a enseigné l’éblouissement de la vie. Elle nous a appris la fragilité de l’instant, l’ordre parallèle des choses. Elle a uni notre sang à celui des Vietnamiens. (...) Je portais dans mon paquetage des fleurs séchées, des cicatrices amères et des rêves qui ne voulaient pas s’éteindre. J’allais devoir vivre la suite de mon existence avec cette blessure".("Toute une vie").

"Les hommes et les femmes, les légionnaires et moi, avons été réduits à notre état naturel de brindilles dans le vent de l’Histoire." ("Les sentinelles du soir")



1954-1961, Dans la Fournaise des Djebels


L'obéissance, dans le Doute
"Au fil des mois, nous avons appris à connaître l’Algérie, si tant est que l’on puisse maîtriser un jour les mystères de ce pays. Notre apprentissage fut d’abord physique. (...) Je me souviens du jour où nous avons croisé, dans un murmure, les premières caravanes. Le visage figé des nomades, creusé par le vent et le dénuement, marchant avec une noblesse venue du fond des âges. C’était l’Algérie du silence et de l’absolu." (...) 

"Personne ne savait vraiment au nom de quoi au nom de qui nous combattions. L’assistance apportée aux musulmans ne pouvait suffire. (...) Comment bâtir la paix ? Egalité des droits, fédération, association… De jour comme de nuit, ces débats nous accompagnaient. J’avais parfois des insomnies. La nuit, j’allais sur le balcon écouter le murmure de la baie pour calmer mon inquiétude. Chaque jour, il fallait trier tant d’émotions contradictoires ! Nous pressentions tous qu'un orage était dans l’air, sans savoir ni où, ni quand, ni comment il allait éclater".

"Un soldat qui se bat a besoin de se battre pour quelque chose. Le verbe a sa part dans l’appel au courage. Mais la confusion des genres et le double discours qui prévalaient en Algérie ne me plaisaient pas. Depuis 1940, le doute était notre compagnon. Je me donnai pour règle de ne jamais mentir. (...) Après tant de désillusions les mots de l'obéissance commençaient à sonner creux."

"En quelque secondes, je suis passé du statut d'officier discipliné à celui de rebelle (...). Sur la lame du rasoir, j'ai fait basculer mon destin" ("Toute une vie")



1961, La Rupture et le Putsch

La rébellion, dans l'Honneur
"Ce que j’ai à dire sera simple et sera court. Depuis mon âge d’homme, Monsieur le président, j’ai vécu pas mal d’épreuves: la Résistance, la Gestapo, Buchenwald, trois séjours en Indochine, la guerre d’Algérie, Suez, et puis encore la guerre d’Algérie… 

En Algérie, après bien des équivoques, après bien des tâtonnements, nous avions reçu une mission claire: vaincre l’adversaire, maintenir l’intégrité du patrimoine national, y promouvoir la justice raciale, l’égalité politique. On nous a fait faire tous les métiers, oui, tous les métiers, parce que personne ne pouvait ou ne voulait les faire. Nous avons mis dans l’accomplissement de notre mission, souvent ingrate, parfois amère, toute notre foi, toute notre jeunesse, tout notre enthousiasme. Nous y avons laissé le meilleur de nous-mêmes. 

Nous y avons gagné l’indifférence, l’incompréhension  de beaucoup, les injures de certains. Des milliers de nos camarades sont morts en accomplissant cette mission. Des dizaines de milliers de musulmans se sont joints à nous comme camarades de combat, partageant nos peines, nos souffrances, nos espoirs, nos craintes. Nombreux sont ceux qui sont tombés à nos côtés. Le lien sacré du sang versé nous lie à eux pour toujours. 

Et puis un jour, on nous a expliqué que cette mission était changée. Je ne parlerai pas de cette évolution incompréhensible pour nous. Tout le monde la connaît. Et un soir, pas tellement lointain, on nous a dit qu’il fallait apprendre à envisager l’abandon possible de l’Algérie, de cette terre si passionnément aimée, et cela d’un cœur léger. Alors nous avons pleuré.  L’angoisse a fait place en nos cœurs au désespoir. Nous nous souvenions de quinze années de sacrifices inutiles, de quinze années d’abus de confiance et de reniement. Nous nous souvenions de l’évacuation de la Haute-Région, des villageois accrochés à nos camions, qui, à bout de forces, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Nous nous souvenions de Diên Biên Phû, de l’entrée du Vietminh à Hanoï. Nous nous souvenions de la stupeur et du mépris de nos camarades de combat vietnamiens en apprenant notre départ du Tonkin. Nous nous souvenions des villages abandonnés par nous et dont les habitants avaient été massacrés. Nous nous souvenions des milliers de Tonkinois se jetant à la mer pour rejoindre les bateaux français. 

Nous pensions à toutes ces promesses solennelles faites sur cette terre d’Afrique. Nous pensions à tous ces hommes, à toutes ces femmes, à tous ces jeunes qui avaient choisi la France à cause de nous et qui, à cause de nous, risquaient chaque jour, à chaque instant, une mort affreuse. Nous pensions à ces inscriptions qui recouvrent les murs de tous ces villages et mechtas d’Algérie : “ L’Armée nous protégera, l’armée restera “. Nous pensions à notre honneur perdu. Alors le général Challe est arrivé, ce grand chef que nous aimions et que nous admirions et qui, comme le maréchal de Lattre en Indochine, avait su nous donner l’espoir et la victoire. 

Le général Challe m’a vu. Il m’a rappelé la situation militaire. Il m’a dit qu’il fallait terminer une victoire presque entièrement acquise et qu’il était venu pour cela. Il m’a dit que nous devions rester fidèles aux combattants, aux populations européennes et musulmanes qui s’étaient engagées à nos côtés. Que nous devions sauver notre honneur. Alors j’ai suivi le général Challe. Et aujourd’hui, je suis devant vous pour répondre de mes actes et de ceux des officiers du 1er REP, car ils ont agi sur mes ordres. 

Monsieur le président, on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir, c’est son métier. On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer. Oh ! je sais, Monsieur le président, il y a l’obéissance, il y a la discipline. Ce drame de la discipline militaire a été douloureusement vécu par la génération d’officiers qui nous a précédés, par nos aînés.  Nous-mêmes l’avons connu, à notre petit échelon, jadis, comme élèves officiers ou comme jeunes garçons préparant Saint-Cyr. Croyez bien que ce drame de la discipline a pesé de nouveau lourdement et douloureusement sur nos épaules, devant le destin de l’Algérie, terre ardente et courageuse, à laquelle nous sommes attachés aussi passionnément que nos provinces natales. 

Monsieur le président, j’ai sacrifié vingt années de ma vie à la France. Depuis quinze ans, je suis officier de Légion.  Depuis quinze ans, je me bats. Depuis quinze ans j’ai vu mourir pour la France des légionnaires, étrangers peut-être par le sang reçu, mais français par le sang versé.  C’est en pensant à mes camarades, à mes sous-officiers, à mes légionnaires tombés au champ d’honneur, que le 21 avril, à treize heure trente, devant le général Challe, j’ai fait mon libre choix. 

Terminé, Monsieur le président. » 

(Déclaration d’Hélie Denoix de Saint Marc devant le haut tribunal militaire, le 5 juin 1961.)




1961-1966, L'injustice et l'opprobre 


Le combat, dans la Solitude
"J'ai voulu dire Non, arrêter la machine infernale, J'ai accepté de tout perdre et j'ai tout perdu. L'honneur est un acte de pauvre. Il suppose le dépouillement : mettre tout en péril pour ne pas déchoir, garder le silence sous la torture, choisir l'exil, le dénuement ou la prison plutôt que la soumission."

"Une heure, un jour, j’ai tout perdu. Je me suis retrouvé seul dans une cellule. J’ai compris alors la vanité de bien des choses et l’hypocrisie de bien des hommes."

"J’ai compris en prison ce que pouvait être la vocation monastique, la contemplation. Certes, le moine choisit sa condition. Mais le monastère et la détention sont des expériences similaires. Dehors, la liberté se dissout parfois dans l’agitation. L’enfermement peut développer une force intérieure qui peut être plus grande que la violence qui nous est faite. C’est ce qui m’a sauvé plusieurs fois dans ma vie."
"J'ai réalisé alors qu'il n'y avait pas d'actes neutres dans une vie. Même les plus minces ont un poids. Il existe des actes de bassesse et des actes d'altitude. Rien n'est jamais acquis, jamais. La persévérance est une forme très haute de courage." 

"A ma sortie, en dehors de l'oasis familial, j'ai connu une sorte de trou noir. (...) je me sentais étranger dans un monde étranger." ("Toute une vie")



1966-2013, La Reconstruction dans le Souvenir

La Noblesse, dans l'Humilité
"Je garde un souvenir cauchemardesque de mes recherches pour trouver du travail. (...) Les promesses des jours de fièvre s'envolaient les unes après les autres. J'essayais de "me vendre", cette expression la plus burlesque et la plus obscène de notre époque mercantile".

"Avec un travail et des amis, je repris peu à peu pied dans la vie des autres hommes. (...) Je voyais certains de mes camarades lutter avec les ombres. (...). Mes enfants sans doute, parce qu'elles étaient très jeunes me montrèrent le chemin de la clarté" ("Toute une vie")

"Faire partie des vaincus a au moins un avantage. On n'y trouve pas ses accommodations et ces intrigants qui foisonnent dans les parages des vainqueurs, et rarement cette fièvre de paraître qui est une maladie mortelle pour l'être humain" ("Les sentinelles du soir")

"Le souvenir n'est pas une tristesse, mais une respiration intérieure. Il est le signe que quelque chose s'est réellement passé dans notre existence : les passions et les jours ne se sont pas confondus ; notre cœur a gardé l'empreinte d'autrui."

"L'Histoire est un orage de fer qui hache les Hommes. après il faut recueillir les cendres, (...) C'est la dernière responsabilité qui nous incombe : éviter que nos enfants aient un jour les dents gâtées par les raisins verts de l'oubli. Ecrire et raconter, inlassablement, non pour juger mais pour expliquer. ouvrir la porte de ceux qui cherchent une trace du passé et qui refusent le silence, repiquer chaque matin le riz de nos souvenirs" ("Toute une vie")


Hélie de Saint Marc, Éveilleur de conscience


Le Commandant  n'est pas un Homme du passé, mais un témoin de notre temps tourné vers l'avenir. Les souffrances et les trahisons vécues par lui sont autant de blés qu'ils nous offrent à moissonner pour que sa sagesse nourrisse notre espérance.

Comment cueillir dans le champ de sa sagesse un bouquet de fleurs à vous offrir ? Elles sont toutes belles et vivifiantes et je ne peux que vous inviter qu'à lire ou relire cet Homme dont l'humilité n'a d'égale que sa grandeur d'âme.


"L'Histoire n'est pas une matière abstraite. A la hauteur de l'individu, c'est un champ de braises dans lequel il faut bien avancer. Les valeurs qui m'ont animé ne sont peut-être pas l'Alpha et l'Oméga de la Nature humaine, mais elles ont leur grandeur. J'en ai éprouvé la nécessité. Chaque génération, même su elle en a l'illusion, ne sors pas du néant. l'esprit humain ne change pas, les ornières sont les mêmes. il vaut mieux comprendre avant de juger, au risque de connaître les mêmes déchirements que ceux que nous avons connus." ("Toute une vie")

"Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes."  

"Les adolescents d’aujourd’hui ont peur d’employer des mots comme la fidélité, l’honneur, l’idéal ou le courage. Sans doute ont-ils l’impression que l’on joue avec ces valeurs – et que l’on joue avec eux. Ils savent que leurs aînés se sont abîmé les ailes. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l’engagement ont été la clef de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. Il serait criminel de dérouler devant eux un tapis rouge et de leur faire croire qu’il est facile d’agir.
La noblesse du destin. humain, c’est aussi l’inquiétude, l’interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu." (Relevé sur son site)

"Ai-je toujours été fidèle ? Ai-je toujours agi selon l’honneur ? J’ai essayé, sans jamais y parvenir entièrement, d’être digne des autres et de la vie. Je ne connais pas de vérité tranquille. Je veux ajouter de la vie aux années qui me restent, témoigner de tout ce qui dure, retrouver la vérité de l’enfant que j’ai été. Simplement essayer d’être un homme."

"Un ami m’a dit un jour : « tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué ». Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié." 


"Ma mémoire est une page blanche 
où quelques caractères seulement, 
comme des clous enfoncés dans le bois, 
disent mes sentiments"
("Toute une vie")

1 commentaire:

  1. Je ne suis pas très clairvoyant, sans doute un manque d'intelligence, mais j'ai retrouvé dans la prose de ce commandant, les mots les phrases décrivant ces valeurs que j'aurais aimé développer et dont j'ai essayé dans ma vie de suivre et de m'en rapprocher. J'ai rencontré un homme de cette trempe en Algérie qui lui aussi a subi, étrangement, ce questionnement et a été un exemple d'homme à l'image du Commandant HELIE. Il s'agissait du Commandant Henri DUPUIS DE QUEREZIEUX.
    François VANHALST

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