lundi 21 avril 2014

21 avril, l'armée se rebelle contre l'abandon

Publié initialement sur Facebook

Il y a 52 ans commençait ce que l'Histoire allait retenir sous le nom de "Putsch d'Alger". Vous trouverez au lien ci dessous, des documents divers sur cette action brève mais majeure de la Vème République. Témoignages, narrations, compte rendus etc... réalisés autour du personnage d'Hélie de Saint Marc, commandant alors le 1er Régiment Etranger de Parachutistes, pièce maîtresse de la rébellion militaire...

Cette action militaire chercha désespérément a éviter que ce joue le dernier acte  tragique de la guerre d'Algérie à savoir l'abandon brutal, après 8 années de guerre et de victoires obtenues au prix de lourds sacrifices, des populations musulmanes fidèles et des "pieds noirs", aux mains des égorgeurs du FLN. 

Un an plus tard, en 1962, le bilan de cette guerre pourtant terminée, n'en finira pas, et l'épuration succédant aux combats, donnera dramatiquement raison aux soldats qui ce 21 avril 1961, n'écoutant que leur devoir et leur sens de l'honneur avaient refuser l'abandon jusqu'à la désobéissance !

Le lien ici : http://alawata-commandant.blogspot.com/search/label/Putsch

DOCUMENTS ET ARTICLES PUBLIES SOUS CE LIEN A CE JOUR (Blog dédié à HDSM) :

- La fin du 1er REP, par José Castano
- Hélie Denoix de Saint Marc en Algérie, par André Boyer
- Haut les coeurs, Témoignage de Georges Robin
- Le droit a la désobéissance, par Hélie de Saint Marc
- Je ne regrette rien, récit de la fin du putsch, par Robert Soulé
- Le Putsch d'Alger, par Pierre Sergent
- Le procès du commandant Hélie de Saint Marc, par Maurice Cottaz
- Héros, éditorial de Philippe Barthelet
- Mon libre choix, entretien avec Hélie de Saint Marc 
- La fierté du commandant rebelle
- Le putsch d'Alger, vidéo extrait du documentaire "Servir ?" 
- Hélie de saint Marc raconte son putsch d'Alger, Article du Progrès de Lyon

Voir aussi le passage consacré à cet épisode dans la conférence récemment publiée le 19 avril 2013 sur le même blog (Les souvenirs du Putsch à la minute 58'41")


OBSERVATION :
J'essaye de continuer dès que possible ce travail de mémoire autour de la figure d'Hélie Denoix de Saint Marc et vous remercie par avance des contributions, témoignages et documents que vous accepterez de partager.

Bien à vous 
Erwan Castel, Cayenne le 21 avril 2014 

samedi 19 avril 2014

Le destin d'un soldat dans la tourmente de l'Histoire

Pour page "UNE VIE"


Source : www ICHTUS : Hélie de Saint Marc   




Conférence de Hélie Denoix de Saint Marc
(1997)




TOUTE UNE VIE AU SERVICE DE L'HONNEUR ET DE L'HOMME...


"J'ai accepté de témoigner car je crois à l'importance du passé, parce que le passé éclaire le présent, qui lui-même tient entre ses mains l'essentiel de l'avenir"  - Hélie de Saint Marc (1922-2013)

Cet homme incarne une destinée extraordinaire, accomplie avec courage et abnégation, traversant les épreuves de 3 guerres consécutives, et l'humiliation de la déportation et de la prison, mais en sachant garder toujours élevés au dessus de l'Histoire et de sa propre vie, le sens du devoir et celui de l'espérance.


Conférence d'Hélie Denoix de Saint Marc retraçant les grands moments de sa vie:


La Conférence (01h31')

L'audio de la conférence disponible en MP3 ici : HDSM - 1997 - Conférence

PLAN DE LA CONFÉRENCE

Repère

00'00"     Présentation du Commandant Hélie de Saint Marc

06'23"     Introduction - Pourquoi témoigner ?

11'45"     LA JEUNESSE

14'25"     La Seconde Guerre Mondiale

17'56"     LA RÉSISTANCE et la DÉPORTATION

24'23"     L'après guerre, Saint Cyr, la Légion Étrangère

28'24"     L'INDOCHINE

41'20"     Sur la Guerre

44'29"     L'INDOCHINE (suite)

47'45"     L’ALGÉRIE

58'41"     LE PUTSCH D'ALGER et la PRISON

68'22"     Conclusion - Hommage aux morts des guerres

79'45"     Questions - réponses

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vendredi 7 mars 2014

jeudi 6 mars 2014

Point de vue (peut-être) hors sujet...

En page "DÉBATS"

Publié initialement sur la page Facebook "les amis d'Hélie de Saint Marc" le 3 mars 2014

Tout d'abord je salue et remercie le dévouement chronophage des administrateurs de cette page, principalement Nicolas de Lemos,qui font preuve de patience et de passion.

"Le passé est le passé" écrivait Hélie Denoix de Saint Marc et je pense que se souvenir avec dignité et respect de l'Histoire est une chose, s'y enfermer ou la rejeter en sont deux autres, aux positions fanatiques et cristallisées sur des plaies entretenues par une vision manichéenne. 

Le Commandant a eu cette attitude de ne jamais se faire le parangon d'une doctrine particulière. C'est un choix peut-être critiquable sur le plan politique, mais respectable sur le plan de l'éthique. Le style que le Commandant a défendu toute sa vie pourrait se résumer en un seul mot : l'Homme. Ce choix quasi théologique, a toujours donné une dimension métaphysique à l'engagement de cet officier, vivant cet immense paradoxe apparent, d'un engagement physique et mental extrêmes d'une part et d'un détachement idéologique apparent d'autre part. Par ce droit de réserve (mais pas de retrait, bien au contraire) le Commandant (qui avait son opinion) a toujours mis en avant les valeurs apolitiques inscrites en or sur nos drapeaux et étendards, et je pense qu'on peut même parler ici d'élévation de l'âme.... 

Les rares moments de liberté où je parcours avec passion les pages et sites dédiés au passé héroïque de notre nation, (mais sans exaltation thérapeutique), je regrette de rencontrer trop souvent des nostalgiques exaltés ou des fanatiques frustrés, qui sans le vouloir font souvent tourner en rond les réflexions ! 

Parler de l'O.A.S. pour ne citer que cet exemple, récemment débattu sur cette page, n'est pas je pense, a proprement parlé, "hors sujet" par rapport à l'histoire de vie du Commandant; car si il ne s'y est jamais impliqué, il y est ipso facto assimilé au même titre que tous ceux qui clandestinement ou non avec la plume ou le fusil, défendaient l'Algérie française...

Ce qui est hors sujet en revanche c'est de faire revivre un activisme idéologique, certes respectable dans son contexte, mais qui (malheureusement peut-être) est stérile aujourd'hui. A vouloir simplifier l'Histoire autour de quelques postulats et slogans décontextualisés, on la rend simpliste et surtout on s'enferme dans une tranchée idéologique aux jugements partiaux et dogmatiques. Se souvenir oui, ressusciter non. 

Notre époque révèle à son horizon nombre de menaces qui nous invitent à d'autres combats aux enjeux bien actuels (mais plus dangereux aussi)

Donc personnellement je m'autorise a aborder tous les sujets, à condition qu'ils touchent de près ou de loin l'aventure humaine d'Hélie Denoix de Saint Marc, le plus important étant de respecter la tenue et la retenue de sa vision humaniste passionnante, mais dépassionnée, et de chercher comme il a su nous le montrer, à s'élever au dessus des querelles partisanes pour ne regarder que les âmes nues des hommes en uniforme. 

Voilà à chaud et en vrac ces quelques réflexions dominicales que vous adresse en vrac mais accompagnées de mes amitiés les plus sincères.

Erwan, Castel Régina le 3 mars 2014.

mardi 11 février 2014

11 février, Naissance d'Hélie Denoix de Saint Marc

Publié initialement sur la page Facebook du groupe "Les amis d'Hélie de Saint Marc"

Avec mes sincères et respectueuses amitiés pour la famille du Commandant...

Hélie Denoix de Saint Marc aurait 92 ans aujourd'hui, si le destin n'avait pas finalement accordé un repos mérité à ce combattant humaniste qui a su, tout au long de sa vie, traverser et surtout sublimer en sagesse pour notre avenir toutes les épreuves de son passé (résistance, camp de concentration, guerres d'Indochine et d' Algérie, prison...) 

Cette voie de l'honneur qu'il va emprunter au prix de souffrances inouïes, commence dans les sentes des combes du Périgord familial, où le jeune homme, né le 11 février 1922 à Bordeaux, forge son caractère au feu des traditions familiales et de la beauté de la Nature orgueilleuse toutes semées des empreintes de l'Histoire des hommes de France.


"Du plus loin qu'il m'en souvienne, aucun Saint Marc, avant ma génération, n'a vécu n dehors du Périgord. (...) Chez nous les tableaux aux murs évoquaient des nobliaux de province en jabots et dentelles, des femmes au teint de jais en tenue austère, des serviteurs du royaume, la plume d'oie à la main. (...) 

A cette époque, l'univers me semblait être ordonné par une logique universelle qui voulait qu'il existât des pauvres et des riches, des propriétaires et des métayers. J'étais né du bon côté de la barrière. Je ne me posais pas d'autres questions. (...)

Personne ne mettait en doute la supériorité de nos valeurs et de nos familles. Aussi manquions-nous de compréhension pour la profondeur des êtres qui ne se mesure pas à leur origine. Mais il faut sans doute être passé par l'épreuve du dénuement total pour s'apercevoir les apparences sociales s'évanouissent dès que l'essentiel est en cause."


Hélie de Saint Marc.


Mon Commandant, vous nous manquez autant que vous êtes toujours vivant dans nos coeurs fidèles.


Erwan Castel, Cayenne le 11 février 2014



Voir un précédent article sur la famille ascendante du Commandant Hélie Denoix de Saint Marc Le lien  :  ICI



lundi 10 février 2014

La blessure jaune

Publié initialement sur la page Facebook "Les amis d'Hélie de Saint Marc" le 9 février 2014


Extrait

"Lorsqu’il fallut quitter le Vietnam, nous étions cette armée de sentinelles que le ciel découpe au lointain : chacun veillait sur ses souvenirs. Que faire de la guerre lorsqu’elle est finie ? Nous sommes devenus des orphelins. Aujourd’hui encore, nous souffrons de savoir le Vietnam sous le joug : son peuple n’en a pas fini avec la dictature. Mais l’arrachement ne doit pas faire oublier ce que l’Indochine nous a donné. A nous qui devions donner la mort, cette guerre a enseigné l’éblouissement de la vie. Elle nous a appris la fragilité de l’instant, l’ordre parallèle des choses. Elle a uni notre sang à celui des Vietnamiens. Il appartient désormais à chacun de transmettre ce témoin à ceux qui lui succèdent, comme les petites offrandes que les paysans déposaient devant l’autel des ancêtres : deux fleurs, une mangue, une prière enroulée dans une feuille de riz. "

Hélie de Saint Marc.

LIRE L'ARTICLE INITIAL ICI  (sur le blog "Tradition") : La blessure Jaune

samedi 8 février 2014

Légionnaires !

Publiée initialement sur la page facebook " les amis d'Hélie de Saint Marc" le 8 février 2014


Merci à Pauline d'Oranie pour la photo

De Wolfran von Eschenbach à Hélie de Saint Marc

Il y a 794 ans disparaissait Wolfram von Eschenbach, l'un des plus grands poètes épiques de l'Europe médiévale, qui en prolongeant le travail de Chrétien de Troyes, nous a donné en héritage "Parzifal", son oeuvre majeure initiatique, qui illustre à la fois l'imaginaire de l'Europe et l'engagement de son aristocratie militaire chargée d'en préserver l'Unité.

Hélie Denoix de Saint Marc par son engagement dans la tourmente, nous montre qu'il s'inscrit dans la réalité de cette longue chaîne de veilleurs et d'éveilleurs qui sacrifient à chaque génération leurs vies au service non seulement de leur pays mais aussi et surtout des valeurs qui fondèrent l'Occident depuis des millénaires.

Car le poème épique du chevalier, sa symbolique ésotérique, ou les actions et les pensées du commandant, illustrent bien une Fidélité à cette Tradition primordiale, qui offre une éthique fondatrice à notre identité, celle dont Dominique Venner nous a rappelé qu'elle a "la Nature comme socle, l'Excellence comme but, la Beauté comme horizon", et qui fait de tout Homme, un chevalier en quête permanente de pureté de pensée et perfection d'action.

Erwan Castel, à Cayenne le 8 février 2014


Lire l'article publié sur le blog Tradition ici : 8 février : la "queste" continue !


jeudi 6 février 2014

Djemila, ce "grand cri de pierre..."

"On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l'esprit y est visible et son action partout présente" écrivait Ernst Jünger dans "Les falaises de marbre". Si l'Histoire fait les hommes, les soumettant le plus souvent à ses vents violents, il s'en trouve en revanche qui gardent le cap de l'Honneur dans les tempêtes, armés d'un courage et d'une équanimité héroïques, et font à leur tour l'Histoire.

Hélie de Saint Marc le légionnaire, rejoint Ernst Jünger le lansquenet pour avoir comme lui traversé le XX°siècle en homme d'action et de méditation. Plongé dans le maelstrom de la guerre, il a su "par delà le bien et le mal" sublimer les paysages, les hommes et les actions et marquer "L’histoire de son empreinte d'Homme libre ".

En Algérie, où il sert de 1954 à 1961, Hélie de Saint Marc, tandis qu'il façonne avec courage son destin, part sur les traces de l'antique légion afin de se ressourcer aux échos de sa gloire impériale, et d'inscrire ainsi avec humilité son action dans la continuité d'une Geste héroïque.
Erwan Castel, Régina le 6 février 2014


"J'aimais l'Est algérien, rude, grave, spartiate. La région était un incroyable musée de plein air. (...) Avec ma compagnie, nous nomadisions en petite Kabylie (...). Comme nous étions sur la route de Djemila, je décidai de pousser ma compagnie jusqu'aux colonnes chantée par Camus,

"ce grand cri de pierre jeté entre les montagnes, le ciel et le silence"


Enfin, au détour d'une piste, nous avons aperçu Djemila, en contrebas, au fond d'une cuvette minérale.
Djemila, ou encore Djamila, Ǧamilla en Kabyle (de l'arabe : جميلة, « la belle ») est une commune dans la wilaya de Sétif, en bordure de la Basse Kabylie et du Constantinois Algériens. Le site de Djemila abrite les vestiges de l'antique Cuicul romaine du 1er siècle, classée patrimoine mondial par l'Unesco.


J'ai voulu fouler ce champ de colonnes dressées. J'ai longuement marché dans ces ruines. Le silence et l'oubli leur servaient de linceul. (...)
Ce soir là, les légionnaires étaient silencieux. Ils regardaient les ruines et leur écrin de montagnes pelées. Ces colonnes nous parlaient. Chacun, ce jour là, le savait. Elles nous disaient les civilisations englouties et les religions disparues. Elles nous parlaient du temps qui file et ne se retourne pas, des générations qui succèdent aux générations, des fils qui laissent s'effondrer ce que les pères ont édifié. Elles nous racontaient ces décombres que nous portions chacun en nous : enfances perdues, pays abandonnés, hommes et femmes a qui nous n'avions même pas pu laisser un regard.

J'essayais d'imaginer à notre place les légionnaires de l'Algérie romaine. Au petit matin, par les voies dallées, les paysans numides arrivaient par les mêmes sentiers. (...)
Je cherchais aussi les traces de l'Algérie chrétienne (...)
L'invasion arabe sonna le glas de Djemila. Les cavaliers en gandoura ont du s'arrêter sur comme nous sur la colline (...)
Les turcs ont ensuite étendu leur main sur l'Algérie.
Enfin la colonisation. Nous étions donc les derniers occupants de cette colline.

J'étais impressionné par cette beauté blessée. resterait-il un jour de notre présence en Algérie qutre chose que ces ruines ?

Mes rêveries solitaires furent brutalement interrompues. Mon légionnaire radio accourait. Un accrochage avait eu lieu à dix kilomètres de notre position. Le camp fut levé en un quart d'heure et le silence retomba sur Djemila."



Hélie de Saint Marc
"Mémoires les champs de braise" Perrin  1995


Hélie de Saint Marc en Algérie, entre l'action et la contemplation.

Photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe








samedi 1 février 2014

Le désert

Dans sa perception du désert, Hélie Denoix de Saint Marc rejoint ici la vision métaphysique de Saint-Exupéry, Lawrence, Monod ou Thesiger entre autres. Mais, ses sens exacerbés par l'intensité de la guerre humaine et l'expérience initiatique de la jungle indochinoise, le désert lui apparaît ici comme un athanor dans le creuset duquel l'âme humaine semble n'avoir d'autre choix que de sublimer ou disparaître...
Erwan Castel, Cayenne le 1er février 2014


"Dans le désert, j’avais fait l’expérience d’une liberté impossible dans le onde civilisé, d’une vie allégée de tout bien personnel et appris qu’en fait ce qui n’est pas de première nécessité encombre.
Nous étions dans le vrai désert, là où les différences de race et de couleur, de richesse et de prestige social, sont dénuées de toute signification – ou presque ; là où les masques de l’affectation tombent, et où seules apparaissent les vertus fondamentales. Là où les hommes se rapprochent les uns des autres."

Wilfred Thesiger (1910-2003)



" Il arrive parfois que le souffle de Dieu nous frôle. je me souviens d'une opération dans le sud de l'Algérie, aux limites du désert. (...)
Comment retracer par des mots ce que furent pour nous ces quelques heures passées à contempler, depuis les limites de l'oasis, les grands espaces fauves, qui s'enfuient en vagues successives, jusqu'à l'infini, dévorés par le soleil, où tout se consume depuis des siècles dans une incandescence immobile ?

La jungle par sa démesure et sa violence reste en moi comme la métaphore de la condition humaine : simples mortels avançant inexorablement vers leur fin, nous sommes à peine des insectes dans cet océan de sève. Le désert nous renvoie à une autre nécessité : habiter d'une présence la désolation de l'existence, entrer en relation avec tout ce qui est grand dans l'Homme, guetter l'aube sous le globe étincelant de la nuit...

Dans le désert, tout est tranchant, aigu, limpide. C’est  un  monde sans  objet  et sans plaisirs,  où l’Homme est rendu à lui-même. Les chaussures se craquellent, la peau se tanne,  les lèvres deviennent comme une écorce. Le désert érode ce qu’il touche. Tout se disloque. Et pourtant la voix intérieure fait entendre son murmure. 

J'entendais battre mon coeur,vide et solitaire. Le silence du désert ne ressemble à aucun autre. c'est une présence frémissante de vent et de chaleur, et pourtant calme, vide, sèche. Le miracle de la vie humaine ne m'est jamais apparu si nettement. Dans ce paysage ravagé et lisse, quelques touffes d'acacia, un arbuste, une trace de chameau, deux pierres déplacées sur une piste, restent l'image la plus pure que j'ai rencontrée de Dieu. "

Hélie Denoix de Saint Marc 
    " Les sentinelles du soir " Les arènes 1999


" Au sommet des falaises rouges, nous nous arrêtions parfois, émus par la beauté à perte de vue. Le vent et les odeurs du désert nous accompagnaient. (...)

Les abords du désert me ramenaient aux espoirs de ma jeunesse, quand je ne connaissais de la vie que des rêves, un idéal sans contours, héroïque, immaculé. Cette beauté était à la mesure de mon innocence de quinze ans. Je trouvais également dans l'immensité minérale un écho aux questions que je portais depuis la déportation sur le sens de la vie, continuellement écrasé par tant de non sens. Ce dépouillement me plaisait. (...)
Adossé à un rocher glacé, la tête levée vers la voûte des étoiles - plus on va vers le Sud plus le firmament éclate - je goûtais le dépouillement de toutes les pesanteurs de l'existence, quand on n'est plus qu'une poussière négligeable dans l'infini du cosmos et du désert. Même les souvenirs s'effaçaient de ma mémoire. "

Hélie Denoix de Saint Marc 
    " Mémoires les champs de braise" Perrin 1995

Hélie de Saint Marc..."sous le soleil brûlant de l'Algérie",
photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe

"Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu ; c'est là qu'on se vide, qu'on chasse de soi tout ce qui n'est pas Dieu et qu'on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. Les Hébreux ont passé par le désert, Moïse y a vécu avant de recevoir sa mission, saint Paul, saint Jean Chrysostome se sont aussi préparés au désert... C'est un temps de grâce, c'est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit nécessairement passer. Il lui faut ce silence, ce recueillement, cet oubli de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l'esprit intérieur : la vie intime avec Dieu, la conversation de l'âme avec Dieu dans la foi, l'espérance et la charité. Plus tard l'âme produira des fruits exactement dans la mesure où l'homme intérieur se sera formé en elle" 

Charles de Foucauld (1858-1916)
Lettre au Père Jérôme du 19 mai 1898




vendredi 31 janvier 2014

Le courage du soldat


" Le courage du soldat est inséparable de celui des autres. Il fait partie d'une chaîne humaine, et il n'y a pas de salut individuel. C'est pourquoi le courage est pour lui un sentiment qui s'organise, qu'on entretient comme des fusils. On lui dit de se battre et il se bat. On lui dit de mourir et il meurt. Il pratique cet étrange courage qu'il faut pour basculer de l'autre côté de la vie sans une larme.

Les soldats qui vous disent qu'ils n'ont jamais connu la peur vous mentent. Ou peut-être ont-ils traversé la guerre en zombies. c'est l'incandescence qui porte le soldat et ce courage là ressemble à une expérience mystique : pour que la lumière jaillisse, il faut bien qu'un peu de soi brûle et se consume. Teilhard de Chardin a écrit : " Tous les enchantements de l'Orient, toute la richesse spirituelle de Paris ne valent pas la boue de Douaumont." Il avait compris l'humilité déchirante de la guerre.

Le soldat connaît un combat intérieur dont il ne parle pas. Il y a d’abord ces interminables heures d’attente et de transport, l’anxiété, les tripes nouées, ces vagues pensées que l’on remue sur   le destin, l’absurdité de la vie, sa fragilité; ces souvenirs que l’on écarte pour ne pas faiblir. Il y a ces lieux inconnus que l’on scrute avec intensité, ces marais humides dans lesquels on va jouer sa vie, l'ennemi insaisissable qui se tient là, à deux kilomètres derrière ces plumeaux de palmiers, à l'autre bout du monde.

Hélie Denoix de Saint Marc, à gauche sur la photo, publiée avec l’autorisation aimable de Ronan de Bellecombe
Et puis l'assaut, dans les clameurs qui donnent du courage... L'action brutale où la peur n'a pas sa place... L'inconscience, la rage, parfois le corps à corps, les gestes seconds, la lucidité de médium, la violence qui se libère en soi, les flammes qui sortent des armes et fendent l'air...

Les minutes s'impriment dans la mémoire comme dans la cire. Après, le film se déroule encore et encore. Le soldat a le cerveau d'un accidenté de la route, qui vient de quitter l'asphalte et qui, de tonneau en tonneau, revoit des images en accéléré. 
Les mains des camarades qui se lèvent, les regards muets, les tires, les hurlements, les mots crus et simples des hommes après le danger... Et puis ces soirs désolés où l'on compte les morts. Ravaler ses larmes, enfouir sa tête dans ses mains, serrer les poings. Et de nouveau attendre...

Ce long compagnonnage avec le courage m'a été utile en prison et lorsque je suis tombé malade, à la fin des années soixante dix. Les heures tombaient une à une dans le silence. Je m’avançais sur les rebords du vertige, lorsque la tentation de céder était trop forte. Je pensais alors à la nuit du tunnel et à mes frères de malheur, aux heures d'attente dans les carlingues avant de sauter, et à ma mère devant son ouvrage, avec son aiguille, point par point, dans la lumière pâle de l'hiver. Alors je marchais intérieurement, une respiration après l'autre, pour atteindre la terre ferme, où l'angoisse lâchait prise.

Ce courage-là me sera sans doute nécessaire en approchant de la mort. J'ai suffisamment vécu pour savoir que mes victoires passées ne me garantissent pas contre l'affolement final. Chacun rejoue sa vie jusqu'à la dernière seconde. C'est sans doute à ce moment là qu'il me faudra retrouver une dernière fois, le courage de ma mère, son sourire et son regard vert."


Hélie Denoix de Saint Marc, "Les sentinelles du soir" Les arènes 1999

Photo publiée avec l’autorisation aimable de Ronan de Bellecombe




mardi 28 janvier 2014

Que dire à un jeune de vingt ans


"Quand on a connu tout et le contraire de tout,
quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie,
on est tenté de ne rien lui dire,

sachant qu’à chaque génération suffit sa peine, 
sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause
font partie de la noblesse de l’existence.

Pourtant, je ne veux pas me dérober,
et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci,

en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain :

« Il ne faut pas s’installer dans sa vérité 
et vouloir l’asséner comme une certitude,
mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère ».

À mon jeune interlocuteur,

je dirai donc que nous vivons une période difficile où les 
bases de ce qu’on appelait la Morale
et qu’on appelle aujourd’hui l’Éthique,

sont remises constamment en cause,

en particulier dans les domaines du don de la vie, 
de la manipulation de la vie,

de l’interruption de la vie.

Dans ces domaines,

de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir. 
Oui, nous vivons une période difficile

où l’individualisme systématique,

le profit à n’importe quel prix,

le matérialisme,

l’emportent sur les forces de l’esprit.

Oui, nous vivons une période difficile
où il est toujours question de droit et jamais de devoir 
et où la responsabilité qui est l’once de tout destin, 
tend à être occultée.

Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela, 
il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine.

Il faut savoir,

jusqu’au dernier jour,

jusqu’à la dernière heure,

rouler son propre rocher.

La vie est un combat

le métier d’homme est un rude métier. 
Ceux qui vivent sont ceux qui se battent.

Il faut savoir

que rien n’est sûr,

que rien n’est facile,

que rien n’est donné,

que rien n’est gratuit.

Tout se conquiert, tout se mérite.

Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.

Je dirai à mon jeune interlocuteur

que pour ma très modeste part,

je crois que la vie est un don de Dieu

et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde, 
une signification à notre existence.

Je lui dirai

qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves, 
cette générosité,

cette noblesse,

cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde, 
qu’il faut savoir découvrir ces étoiles,

qui nous guident où nous sommes plongés

au plus profond de la nuit
et le tremblement sacré des choses invisibles.

Je lui dirai

que tout homme est une exception, 
qu’il a sa propre dignité

et qu’il faut savoir respecter cette dignité.

Je lui dirai

qu’envers et contre tous

il faut croire à son pays et en son avenir.

Enfin, je lui dirai

que de toutes les vertus,

la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres
et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres,
de toutes les vertus,

la plus importante me paraît être le courage, les courages,

et surtout celui dont on ne parle pas
et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse.

Et pratiquer ce courage, ces courages, 
c’est peut-être cela

« L’Honneur de Vivre » "

Hélie de Saint Marc


L'énigme des femmes



samedi 25 janvier 2014

Les barricades de la colère


Alger 1960, Dans le jeu de poker menteur mené par De Gaulle, l'Algérie française qui lui a offert la possibilité de revenir au pouvoir en 1958, se sent trahie par un gouvernement qui négocie avec l'ennemi, pourtant battu militairement sur le terrain. Le désarroi devient colère puis insurrection, et les barricades vont se lever du 24 janvier au 1er février 1960 consommant définitivement la fracture entre l'Algérie et la France qui " a laissé dans l'affaire une part de son âme et de son génie propre" 

Ainsi s'ouvrait le dernier acte d'un drame dont les plaies, sous le sel de la trahison saignent encore aujourd'hui.

Article publié initialement sur le blog "Tradition" le 25 janvier 2014

vendredi 24 janvier 2014

Le miroir de notre perception intérieure

Les montagnes de Nghia Lo


Hélie de Saint Marc en Indochine
De juillet 1951 à mai 1953, le capitaine Hélie Denoix de Saint Marc effectue son deuxième séjour en Indochine. Affecté au 2ème Bataillon Etranger de Parachutistes du Capitaine Raffali, il y commande la CIPLE (Compagnie Indochinoise Parachutiste Légion Étrangère), composée de volontaires vietnamiens.

Au cours de ce séjour, Hélie Denoix de Saint Marc participe à des opérations d'envergure menées par le corps expéditionnaire français d’Extrême Orient que le Général De Lattre vient de reprendre en main en décembre 1950, après les graves revers subis sur la RC4 (Dong Khê, Cao Bang, That Ke notamment)

Le général Giap, grisé par la bataille victorieuse de la RC 4, lance précipitamment ses divisions Viêt-minh au début de l'année 1951 dans une grande offensive au Nord Ouest d'Hanoï...

C'est d'abord la bataille de Vinh Yen du 13 au 18 janvier 1951 où le Viêt-minh est écrasé, puis la bataille de Mao Khé du 29 au 31 mars 195, où le Viêt-minh est repoussé. Face à la résistance victorieuse des français, Giap se tourne vers la région du Delta où il lance sa troisième offensive, c'est la  bataille du Day, du 29 mai au 7 juin 195, où là encore les français repoussent victorieusement les attaques nocturnes des viets.

Depuis que le Viêt-minh, a abandonné la guérilla pour des offensives de grandes envergures la guerre d'Indochine a changé de dimension, let malgré ses défaites Giap, fort de ses effectifs pléthoriques se jette fin septembre 1951, dans une nouvelle offensive au Nord Ouest de Hanoï, entre la Rivière Rouge et la Rivière Noire et dont l'objectif principal est le poste de Nghia Lo. Cette bataille qui se déroule du 28 septembre au 10 octobre est décisive et brise définitivement l'offensive de Giap. 

Photo publié avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe

Le Capitaine Hélie Denoix de Saint Marc, est alors engagé avec la CIPLE au plus fort des combats, qui se déroulent dans une décor montagneux et luxuriant aux collines escarpées, et le hommes aux âmes dénudées par la guerre, vont se fondre et se confondre dans ce décor mythique des montagnes du Vietnam.


"Composer avec l'ordre du monde"

A la guerre, que seuls les combattants peuvent comprendre objectivement, on dit souvent "le terrain commande", et cet adage n'est pas seulement une réalité stratégique, tactique ou technique... et l'environnement dans lequel le soldat se fond et se confond, imprègne son éthique en lui imposant ses règles immuables. 

Alors qu'autrefois, l'hiver ou un sommet pouvaient décider du sort d'une guerre ou d'une bataille, aujourd'hui, même s'il influence toujours ses choix, l'armée moderne cherche a se soustraire des contraintes du terrain. L'aviation devient les "sommets" dominant les champs de bataille, les satellites et les drones remplacent les observateurs, et les bombardements peuvent même effacer une forêt de la carte... 

Mais le Vietnam hier, ou l'Afghanistan aujourd'hui, sont là pour nous rappeler que le terrain commande et commandera toujours, et peut donner la victoire à ceux qui le respectent et s'imprègnent de son ordre. 
L'esprit qui doit animer un combat ne peut être que localiste et traditionnel Et le soldat, même moderne, ne dominera son adversaire que s'il comprend son paysage, car ce dernier est le creuset de sa culture, son mental, sa volonté et donc de sa perception du combat

Les guerres récentes sont des victoires de la technologie plus que de la volonté, et aujourd'hui les talibans dans leur montagne ou les touaregs dans leur désert continuent de défier la suprématie technologique et l'orgueil du Nouvel Ordre Mondial. Car les combattants, comme ceux des forces spéciales par exemple, qui, sur le terrain composent encore avec les pentes escarpées, les espaces découverts, ou l'obscurité des forêts, savent que la victoire finale est aussi et surtout une affaire d'adaptation au terrain, de volonté guerrière, et d'humilité humaine...

Ainsi de l'Indochine, lors de cette bataille du Tonkin en 1951, où l'intensité de la guerre n'a d'égale que celle de la nature où elle souffle, et le combattant s'il veut dominer la première doit comprendre et se soumettre à la seconde afin de "se retrouver dans un élément à la hauteur de ses émotions intérieures."

Erwan Castel, Régina le 24 janvier 2014


" Les paysages nous attirent dans la mesure où 
ils sont le miroir de notre perception intérieure." 


" Je pourrais décrire pendant des heures ces étranges montagnes de la Haute Région qui se dressaient abrupts comme des rochers en pleine mer, ces reliefs déchiquetés, ces cathédrales de jungle perdues dans le ciel nuageux. Il était impossible de trouver un arpent de terre sans un torrent de mousse. On y voyait des arbres qui semblaient plantés dans l'eau. jamais je n'ai rencontré une nature aussi violente. "

NGHIA LO - 1951 - Photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe

" Les montagnes du Tonkin étaient un livre ouvert, dans lequel je cherchais à comprendre le sens de la condition humaine. En déportation, j'avais connu la démesure des hommes, cet absolu du mal qui demeure en chaque être humain. La jungle était aussi violente et insensée que la folie de Buchenwald. Mais sa fécondité était à la hauteur de son pouvoir de destruction. "

NGHIA LO - 1951 - Photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe

" Nous pouvions marcher des jours entiers sous les arbres comme si nous étions dans la nuit, dans l'humus, dans l'eau qui suintait de la pierre, au milieu des cris des oiseaux et des odeurs magnifiques. J'avais parfois l'impression qu'en posant la main contre un tronc d'arbre, j'aurais pu sentir battre la sève. Je me retrouvais dans un élément à la hauteur de mes émotions intérieures. 
(...) Les calcaires de la Haute Région empêchaient l'homme de se croire le maître des choses. que pouvait espérer un homme seul face au déchaînement de la mousson ou à la force des lianes qui pouvaient briser les rochers ? "

NGHIA LO - 1951 - Photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe

(...) " Vivre dans ce décor-là obligeait à composer avec l'ordre du monde. La volonté de puissance était absurde. Les hommes de ce pays possédaient ainsi une sagesse que je n'ai retrouvé nulle part ailleurs. (...) Vivre et mourir ne sont qu'un seul élan, et l'éternité se lit dans l'instant. La nature les prévenait de ces illusions qui sont les nôtres. Ils étaient provisoires car la puissance n'est pas humaine. " 


" Les seuls édifices qui tiennent sont intérieurs. 
Les citadelles de l'esprit restent debout plus longtemps que les murailles de pierre. "


VIETNAM -1996 - 
Jacques Allaire et Hélie de Saint Marc sur la route des souvenirs
Photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe


Les extraits sont du livre  "Les sentinelles du soir" de Hélie de Saint Marc - Edition Les Arènes 1999