mardi 11 février 2014

11 février, Naissance d'Hélie Denoix de Saint Marc

Publié initialement sur la page Facebook du groupe "Les amis d'Hélie de Saint Marc"

Avec mes sincères et respectueuses amitiés pour la famille du Commandant...

Hélie Denoix de Saint Marc aurait 92 ans aujourd'hui, si le destin n'avait pas finalement accordé un repos mérité à ce combattant humaniste qui a su, tout au long de sa vie, traverser et surtout sublimer en sagesse pour notre avenir toutes les épreuves de son passé (résistance, camp de concentration, guerres d'Indochine et d' Algérie, prison...) 

Cette voie de l'honneur qu'il va emprunter au prix de souffrances inouïes, commence dans les sentes des combes du Périgord familial, où le jeune homme, né le 11 février 1922 à Bordeaux, forge son caractère au feu des traditions familiales et de la beauté de la Nature orgueilleuse toutes semées des empreintes de l'Histoire des hommes de France.


"Du plus loin qu'il m'en souvienne, aucun Saint Marc, avant ma génération, n'a vécu n dehors du Périgord. (...) Chez nous les tableaux aux murs évoquaient des nobliaux de province en jabots et dentelles, des femmes au teint de jais en tenue austère, des serviteurs du royaume, la plume d'oie à la main. (...) 

A cette époque, l'univers me semblait être ordonné par une logique universelle qui voulait qu'il existât des pauvres et des riches, des propriétaires et des métayers. J'étais né du bon côté de la barrière. Je ne me posais pas d'autres questions. (...)

Personne ne mettait en doute la supériorité de nos valeurs et de nos familles. Aussi manquions-nous de compréhension pour la profondeur des êtres qui ne se mesure pas à leur origine. Mais il faut sans doute être passé par l'épreuve du dénuement total pour s'apercevoir les apparences sociales s'évanouissent dès que l'essentiel est en cause."


Hélie de Saint Marc.


Mon Commandant, vous nous manquez autant que vous êtes toujours vivant dans nos coeurs fidèles.


Erwan Castel, Cayenne le 11 février 2014



Voir un précédent article sur la famille ascendante du Commandant Hélie Denoix de Saint Marc Le lien  :  ICI



lundi 10 février 2014

La blessure jaune

Publié initialement sur la page Facebook "Les amis d'Hélie de Saint Marc" le 9 février 2014


Extrait

"Lorsqu’il fallut quitter le Vietnam, nous étions cette armée de sentinelles que le ciel découpe au lointain : chacun veillait sur ses souvenirs. Que faire de la guerre lorsqu’elle est finie ? Nous sommes devenus des orphelins. Aujourd’hui encore, nous souffrons de savoir le Vietnam sous le joug : son peuple n’en a pas fini avec la dictature. Mais l’arrachement ne doit pas faire oublier ce que l’Indochine nous a donné. A nous qui devions donner la mort, cette guerre a enseigné l’éblouissement de la vie. Elle nous a appris la fragilité de l’instant, l’ordre parallèle des choses. Elle a uni notre sang à celui des Vietnamiens. Il appartient désormais à chacun de transmettre ce témoin à ceux qui lui succèdent, comme les petites offrandes que les paysans déposaient devant l’autel des ancêtres : deux fleurs, une mangue, une prière enroulée dans une feuille de riz. "

Hélie de Saint Marc.

LIRE L'ARTICLE INITIAL ICI  (sur le blog "Tradition") : La blessure Jaune

samedi 8 février 2014

Légionnaires !

Publiée initialement sur la page facebook " les amis d'Hélie de Saint Marc" le 8 février 2014


Merci à Pauline d'Oranie pour la photo

De Wolfran von Eschenbach à Hélie de Saint Marc

Il y a 794 ans disparaissait Wolfram von Eschenbach, l'un des plus grands poètes épiques de l'Europe médiévale, qui en prolongeant le travail de Chrétien de Troyes, nous a donné en héritage "Parzifal", son oeuvre majeure initiatique, qui illustre à la fois l'imaginaire de l'Europe et l'engagement de son aristocratie militaire chargée d'en préserver l'Unité.

Hélie Denoix de Saint Marc par son engagement dans la tourmente, nous montre qu'il s'inscrit dans la réalité de cette longue chaîne de veilleurs et d'éveilleurs qui sacrifient à chaque génération leurs vies au service non seulement de leur pays mais aussi et surtout des valeurs qui fondèrent l'Occident depuis des millénaires.

Car le poème épique du chevalier, sa symbolique ésotérique, ou les actions et les pensées du commandant, illustrent bien une Fidélité à cette Tradition primordiale, qui offre une éthique fondatrice à notre identité, celle dont Dominique Venner nous a rappelé qu'elle a "la Nature comme socle, l'Excellence comme but, la Beauté comme horizon", et qui fait de tout Homme, un chevalier en quête permanente de pureté de pensée et perfection d'action.

Erwan Castel, à Cayenne le 8 février 2014


Lire l'article publié sur le blog Tradition ici : 8 février : la "queste" continue !


jeudi 6 février 2014

Djemila, ce "grand cri de pierre..."

"On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l'esprit y est visible et son action partout présente" écrivait Ernst Jünger dans "Les falaises de marbre". Si l'Histoire fait les hommes, les soumettant le plus souvent à ses vents violents, il s'en trouve en revanche qui gardent le cap de l'Honneur dans les tempêtes, armés d'un courage et d'une équanimité héroïques, et font à leur tour l'Histoire.

Hélie de Saint Marc le légionnaire, rejoint Ernst Jünger le lansquenet pour avoir comme lui traversé le XX°siècle en homme d'action et de méditation. Plongé dans le maelstrom de la guerre, il a su "par delà le bien et le mal" sublimer les paysages, les hommes et les actions et marquer "L’histoire de son empreinte d'Homme libre ".

En Algérie, où il sert de 1954 à 1961, Hélie de Saint Marc, tandis qu'il façonne avec courage son destin, part sur les traces de l'antique légion afin de se ressourcer aux échos de sa gloire impériale, et d'inscrire ainsi avec humilité son action dans la continuité d'une Geste héroïque.
Erwan Castel, Régina le 6 février 2014


"J'aimais l'Est algérien, rude, grave, spartiate. La région était un incroyable musée de plein air. (...) Avec ma compagnie, nous nomadisions en petite Kabylie (...). Comme nous étions sur la route de Djemila, je décidai de pousser ma compagnie jusqu'aux colonnes chantée par Camus,

"ce grand cri de pierre jeté entre les montagnes, le ciel et le silence"


Enfin, au détour d'une piste, nous avons aperçu Djemila, en contrebas, au fond d'une cuvette minérale.
Djemila, ou encore Djamila, Ǧamilla en Kabyle (de l'arabe : جميلة, « la belle ») est une commune dans la wilaya de Sétif, en bordure de la Basse Kabylie et du Constantinois Algériens. Le site de Djemila abrite les vestiges de l'antique Cuicul romaine du 1er siècle, classée patrimoine mondial par l'Unesco.


J'ai voulu fouler ce champ de colonnes dressées. J'ai longuement marché dans ces ruines. Le silence et l'oubli leur servaient de linceul. (...)
Ce soir là, les légionnaires étaient silencieux. Ils regardaient les ruines et leur écrin de montagnes pelées. Ces colonnes nous parlaient. Chacun, ce jour là, le savait. Elles nous disaient les civilisations englouties et les religions disparues. Elles nous parlaient du temps qui file et ne se retourne pas, des générations qui succèdent aux générations, des fils qui laissent s'effondrer ce que les pères ont édifié. Elles nous racontaient ces décombres que nous portions chacun en nous : enfances perdues, pays abandonnés, hommes et femmes a qui nous n'avions même pas pu laisser un regard.

J'essayais d'imaginer à notre place les légionnaires de l'Algérie romaine. Au petit matin, par les voies dallées, les paysans numides arrivaient par les mêmes sentiers. (...)
Je cherchais aussi les traces de l'Algérie chrétienne (...)
L'invasion arabe sonna le glas de Djemila. Les cavaliers en gandoura ont du s'arrêter sur comme nous sur la colline (...)
Les turcs ont ensuite étendu leur main sur l'Algérie.
Enfin la colonisation. Nous étions donc les derniers occupants de cette colline.

J'étais impressionné par cette beauté blessée. resterait-il un jour de notre présence en Algérie qutre chose que ces ruines ?

Mes rêveries solitaires furent brutalement interrompues. Mon légionnaire radio accourait. Un accrochage avait eu lieu à dix kilomètres de notre position. Le camp fut levé en un quart d'heure et le silence retomba sur Djemila."



Hélie de Saint Marc
"Mémoires les champs de braise" Perrin  1995


Hélie de Saint Marc en Algérie, entre l'action et la contemplation.

Photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe








samedi 1 février 2014

Le désert

Dans sa perception du désert, Hélie Denoix de Saint Marc rejoint ici la vision métaphysique de Saint-Exupéry, Lawrence, Monod ou Thesiger entre autres. Mais, ses sens exacerbés par l'intensité de la guerre humaine et l'expérience initiatique de la jungle indochinoise, le désert lui apparaît ici comme un athanor dans le creuset duquel l'âme humaine semble n'avoir d'autre choix que de sublimer ou disparaître...
Erwan Castel, Cayenne le 1er février 2014


"Dans le désert, j’avais fait l’expérience d’une liberté impossible dans le onde civilisé, d’une vie allégée de tout bien personnel et appris qu’en fait ce qui n’est pas de première nécessité encombre.
Nous étions dans le vrai désert, là où les différences de race et de couleur, de richesse et de prestige social, sont dénuées de toute signification – ou presque ; là où les masques de l’affectation tombent, et où seules apparaissent les vertus fondamentales. Là où les hommes se rapprochent les uns des autres."

Wilfred Thesiger (1910-2003)



" Il arrive parfois que le souffle de Dieu nous frôle. je me souviens d'une opération dans le sud de l'Algérie, aux limites du désert. (...)
Comment retracer par des mots ce que furent pour nous ces quelques heures passées à contempler, depuis les limites de l'oasis, les grands espaces fauves, qui s'enfuient en vagues successives, jusqu'à l'infini, dévorés par le soleil, où tout se consume depuis des siècles dans une incandescence immobile ?

La jungle par sa démesure et sa violence reste en moi comme la métaphore de la condition humaine : simples mortels avançant inexorablement vers leur fin, nous sommes à peine des insectes dans cet océan de sève. Le désert nous renvoie à une autre nécessité : habiter d'une présence la désolation de l'existence, entrer en relation avec tout ce qui est grand dans l'Homme, guetter l'aube sous le globe étincelant de la nuit...

Dans le désert, tout est tranchant, aigu, limpide. C’est  un  monde sans  objet  et sans plaisirs,  où l’Homme est rendu à lui-même. Les chaussures se craquellent, la peau se tanne,  les lèvres deviennent comme une écorce. Le désert érode ce qu’il touche. Tout se disloque. Et pourtant la voix intérieure fait entendre son murmure. 

J'entendais battre mon coeur,vide et solitaire. Le silence du désert ne ressemble à aucun autre. c'est une présence frémissante de vent et de chaleur, et pourtant calme, vide, sèche. Le miracle de la vie humaine ne m'est jamais apparu si nettement. Dans ce paysage ravagé et lisse, quelques touffes d'acacia, un arbuste, une trace de chameau, deux pierres déplacées sur une piste, restent l'image la plus pure que j'ai rencontrée de Dieu. "

Hélie Denoix de Saint Marc 
    " Les sentinelles du soir " Les arènes 1999


" Au sommet des falaises rouges, nous nous arrêtions parfois, émus par la beauté à perte de vue. Le vent et les odeurs du désert nous accompagnaient. (...)

Les abords du désert me ramenaient aux espoirs de ma jeunesse, quand je ne connaissais de la vie que des rêves, un idéal sans contours, héroïque, immaculé. Cette beauté était à la mesure de mon innocence de quinze ans. Je trouvais également dans l'immensité minérale un écho aux questions que je portais depuis la déportation sur le sens de la vie, continuellement écrasé par tant de non sens. Ce dépouillement me plaisait. (...)
Adossé à un rocher glacé, la tête levée vers la voûte des étoiles - plus on va vers le Sud plus le firmament éclate - je goûtais le dépouillement de toutes les pesanteurs de l'existence, quand on n'est plus qu'une poussière négligeable dans l'infini du cosmos et du désert. Même les souvenirs s'effaçaient de ma mémoire. "

Hélie Denoix de Saint Marc 
    " Mémoires les champs de braise" Perrin 1995

Hélie de Saint Marc..."sous le soleil brûlant de l'Algérie",
photo publiée avec l'aimable autorisation de Ronan de Bellecombe

"Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu ; c'est là qu'on se vide, qu'on chasse de soi tout ce qui n'est pas Dieu et qu'on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. Les Hébreux ont passé par le désert, Moïse y a vécu avant de recevoir sa mission, saint Paul, saint Jean Chrysostome se sont aussi préparés au désert... C'est un temps de grâce, c'est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit nécessairement passer. Il lui faut ce silence, ce recueillement, cet oubli de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l'esprit intérieur : la vie intime avec Dieu, la conversation de l'âme avec Dieu dans la foi, l'espérance et la charité. Plus tard l'âme produira des fruits exactement dans la mesure où l'homme intérieur se sera formé en elle" 

Charles de Foucauld (1858-1916)
Lettre au Père Jérôme du 19 mai 1898